Félix Wysocki Apaiz
Artiste plasticien
Imager le monde
Difficile exercice que d’écrire sur l’œuvre de Félix Wysocki tant celle-ci est une œuvre d’images. Bercé dans la culture du graffiti – d’où son blase Apaiz – c’est avec la peinture et de grandes surfaces murales en extérieur que Félix Wysocki commence ses premières expérimentations formelles. Et l’essentiel était sûrement déjà posé : rencontrer des communautés de l’ombre, dans des espaces à prendre et à ouvrir, le tout dans un temps physique de gestes, de couches, avec ce même désir d’arriver vers une forme visuelle qui doit parler d’elle-même. Si aujourd’hui Félix Wysocki ne se cantonne plus à l’unique discipline de la peinture, sa volonté d’éclairer les sociétés dans leurs histoires n’est que plus affirmée. Artiste contemporain du figuratif, il se démarque par sa volonté d’être hors les murs et hors normes, et ce, avec cette détermination à nous montrer ce qu’on ne veut – peut-être – pas voir.
Par Tania Moisan
Strasbourg 2017
Lauréats Théophile Schuler et SAAMS 2016
” Félix Wysocki Apaiz, lauréat de la SAAMS, prépare des enquêtes à la manière d’un journaliste. Il choisit ses sujets, les étudie, les suit et les filme pour en extraire la matière graphique, la retravailler et la restituer en séries de gravures à la pointe sèche. J’y vois le fils naturel de Francisco de Goya.
C’est en grand reporter, l’inventeur de cette profession, qu’il nous livrait sa série des Désastres de la guerre, quatre vingt deux vues d’une violence bouleversante renversant l’image glorifiée de la peinture d’histoire. Certes ce n’est pas la même écriture mais le regard a cette même acuité, de la déshumanité marginale à l’horreur des champs de bataille, Goya, Wysocki, Mathern, les uns et les autres rendent compte en refusant toute complaisance.
Félix Wysocki joue de l’ombre et de la lumière en cinéaste. Du petit Léon, que je croyais caché sous son lit, on ne distingue qu’un morceau de visage alors que plus de la moitié de l’image est consacrée aux nuances oscillant du noir profond au noir d’encre. « Quand on est petit, notre chambre à coucher nous semble l’endroit le moins sûr du monde. C’est l’endroit où l’on doit dormir seul, la nuit, dans le noir. L’armoire est le refuge des monstres et sous le lit se cache toujours une menace ». C’est Donato Carrisi qui le dit, un romancier journaliste scénariste, ça devrait plaire à Félix.
Dans sa série Blackout, Wysocki s’est intéressé aux personnes en perte de conscience. Sont-elles abruties par la fatigue, le travail, la drogue ou l’alcool ? L’histoire ne le dit pas et, serait-ce pour y voir plus clair, Félix Wysocki a recherché une écriture totalement libre sur ses propres œuvres. Il l’a trouvée auprès de tout petits enfants. Armés d’une boite de feutres, ils les ont graphées en sur-imprimant des signes et taches incompréhensibles, suggérant avec une remarquable intuition le brouillard intérieur ou la vomissure de ces êtres dé-conscientisés…“
Par Emmanuel Honegger
Strasbourg 2016
Extension de l’empire en nulle part…
” Felix Apaiz Wysocki travaille comme auxiliaire de vie – autant dire que le réel le travaille au corps et réciproquement jusqu’à insuffler à ses dessins muraux cette sève fictionnelle parcourant la toile peinte d’un « vivre ensemble » toujours à un fil de la déchirure. Extirpée à la pointe sèche à partir d’une image fixe ou d’une image en mouvement, son flux se dévoile dans cette « clarté un peu sèche » dont un historien de l’art a fait la caractéristique de l’art français – et irrigue tout particulièrement le support mural ou la plaque de plastique polycarbonate : « J’utilise la photo ou la vidéo comme base de travail graphique. Je travaille sur les communautés en marge, je veux mettre en lumière celles qui sont dans l’ombre. Le dessin me permet le détachement par rapport au support initial : dans ce mouvement, je vois l’image telle qu’elle pourrait être reproductible…”
Par Michel Loetscher
Strasbourg 2018
Filtres
” C’est principalement avec une pointe sèche qu’il sillonne la réalité qu’il donne à voir. Au travers de nombreux filtres, il nous transporte dans une succession d’arrêts sur images sélectionnés pour questionner le spectateur et remettre en doute ce qu’il sait déjà. Mais au-delà de cet outil saillant, Felix propose également des dessins muraux, éphémères, qui transpirent le corps à corps et soulignent l’importance du geste physique sur l’image, grâce à une peinture au doigt. Le dessin renforce la charge poétique, permet une manipulation et la transformation d’une image vers une signification plus singulière, moins frontale qu’une photographie. Peu importe la situation, l’image renvoie une sorte de beauté qui transparaît toujours…”
Par Hélène Voinson et Eva Jehlen
© Félix Wysocki Apaiz – 2 0 1 9 –