KIKI, SACOCHE ET ASPIRINE

___

A priori, rien qu’une simple discussion. Sur la vidéo scindée en deux parties sont projetés côte à côte les visages de Kiki Sacoche et Aspirine, trois sans domicile fixe qui squattent les anciens locaux de France Télécom,  à Schiltigheim, en périphérie de Strasbourg.

Quelques images du quotidien, des plans fixes sur leurs visages expressifs et de longs monologues où parfois la parole s’efface au profit d’un geste, d’un regard suspendu, faisant subtilement basculer la vidéo entre documentaire et portrait photographique.

Petit à petit, les langues se délient : drogue, misère, difficultés affectives, tout y passe. Pourtant, ce qui nous surprend face à la brutalité des propos, c’est la bienveillance d’un regard et la simplicité du dispositif.

Ces lieux abandonnés, ces espaces en reconversion, Félix Wysocki les investit depuis des années, partageant à travers sa pratique du graffiti, la vie de ces communautés aux modes de vie marginalisés.

Terrain de jeu pour les uns, terrain de vie pour les autres, graffeurs et squatteurs partagent ce même espace où se mêlent, passagèrement, quelques tranches de vie singulière.

Aucune méfiance donc dans la voix de Kiki, Sacoche et Aspirine, la discussion est spontanée,  la caméra se fait oublier. De cette absence naît une ambiguïté qui nous déroute, un inconfort qui nous amène à nous poser la question : à qui s’adresse-t-on ?  Car c’est bien à nous, spectateur, que Kiki Sacoche et Aspirine exposent avec simplicité la précarité d’un quotidien, la lutte constante face à une société normative qui refuse d’entendre que puissent exister d’autres modes de vie.

Mais la violence des images auxquelles nous sommes exposés reste sans réponse, impossible de juger ce qui est du ressort de la fatalité ou du choix de vie. La vidéo et ses deux écrans préfèrent interroger la subjectivité du spectateur, lui laissant la liberté de créer, entre deux images, son propre montage, son propre fil narratif .

Kiki Sacoche et Aspirine est un film qui répond à une urgence, celle de montrer ce que notre société a de plus fragile. Il nous propose simplement, refusant la voix didactique et loin de toute stigmatisation, quelques minutes d’empathie.

Par  Zoé Mary

Artiste plasticienne et scénographe.

 

A priori, only a simple discussion. On the video divided into two parts are projected side by side the faces of KikiSacoche and Aspirine, three homeless people squatting the former premises of France Telecom, Schiltigheim, on the outskirts of Strasbourg.

Some images of everyday life, fixed shots on their expressive faces and long monologues where sometimes the speech disappears in favor of a gesture, a suspended look, subtly switching the video between documentary and photographic portrait.

Gradually, tongues are being loosened: drugs, misery, emotional difficulties, you name it. However, what’s surprising in view of the brutality of the words, is the benevolence of a look and the simplicity of the device.

These abandoned places, these spaces in conversion, Felix Wysocki has invested them for years, sharing through his practice of the graffiti the life of these communities with marginalized ways of life.

Playground for some, ground of life for the others, graffiti artists and squatters share the same space where a few slices of singular life are intermixed for a short time.

No suspicion in the voice of KikiSacoche and Aspirine, the discussion is spontaneous, the camera is forgotten. From this absence rises an ambiguity that confuses us, a discomfort that leads us to ask ourselves the question: to whom is it intended? Because it is to us, spectator, that KikiSacoche and Aspirine expose with simplicity the precariousness of daily life, the constant struggle against a normative society that refuses to hear that other ways of life can exist.

But the violence of the images to which we are exposed remains unanswered, impossible to judge what comes out of fatality or choice of life. The video and its two screens prefer to question the subjectivity of the viewer, leaving him the freedom to create, between two images, his own editing, his own narrative thread.

KikiSacoche et Aspirine is a film that responds to an urgency, showing what our society has of most fragile. He simply gives us, refusing any didactic voice and far from any stigmatization, a few minutes of empathy.

Texte credit : Zoé Mary

Visual artist and scenographer.

 

France – 2016 – ~23’22’’ – HD couleur – 16:9 – Stéréo

PARADIS ARTIFICIELS

France – 2016 – ~23’41’’ – HD couleur – 16:9 – Stéréo